La veille de l'ouverture de la septième conférence internationale pour le développement de l’Afrique ou TICAD 7 -qui se déroulera du 28 au 30 août 2019 au Japon-, le Président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, a prononcé un discours, lors d'un “side event” organisé dans le cadre de l’Initiative pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique (en anglais: Initiative for Food and Nutrition Security in Africa – IFNA).
C'était ce 27 août 2019, à Yokohama, préfecture de Kanagawa au Japon. Voici la transcription de son discours intégral qui a débuté à 16 heures, heure locale.
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,
Monsieur le Président de la JICA,
Honorables invités,
Mes premiers mots seront de remercier le Japon pour l’accueil chaleureux réservé à ma délégation et moi-même. Nous n’avons pas hésité à traverser les océans pour répondre présent à cet événement car nous sommes fiers d’apporter notre contribution aux côtés de la JICA et du NEPAD dans l’amélioration de la nutrition en Afrique.
C’est un grand honneur pour moi de me présenter devant vous en ce lieu en tant que Représentant de Madagascar dans la lutte contre la malnutrition. Car, c’est une cause qui me tient particulièrement à cœur. C’est précisément ce combat qui nous rassemble aujourd’hui. Comme je l’ai souvent dit, un bon père de famille est celui qui subvient aux besoins de ses enfants, un bon Chef d’État est celui qui s’assure que son peuple mange à sa faim. En ce qui me concerne, je suis déterminé à faire en sorte que chaque Malagasy ait accès à une alimentation saine, variée et nutritive. Que plus jamais chaque citoyen ne connaisse la faim.
Personnellement, j’ai fait le Velirano, qui signifie serment en Malagasy, auprès du tout mon peuple qu’ensemble nous endiguerons le fléau de la faim, de la malnutrition. Le Velirano chez nous à Madagascar est un concept plus fort qu’une promesse, plus profond qu’un simple engagement. C’est pour cela, que je ne reculerai devant rien pour relever ce défi à l’échelle nationale.
En effet, la faim est un mal omniprésent non seulement à Madagascar mais aussi dans de nombreux pays en Afrique, il creuse le quotidien et la santé des plus faibles.
Selon le rapport de l’ONN (Office national malagasy pour la Nutrition) :
- 42% des enfants Malagasy de 0 à 5 ans sont en retard de croissance à cause de la malnutrition infantile.
- Près de 47,3% des enfants de moins de cinq ans sont victimes de la malnutrition chronique tandis que 32,4% sont atteints d’insuffisance pondérale.
- L’insécurité alimentaire affecte environ 35% des ménages malagasy.
- Chaque année, de nouvelles régions sont affectées par ce mal.
- La moitié des décès infantiles répertoriés sur le territoire s’explique par la carence en apports nutritionnels et vitaminiques.
Oui, Mesdames et Messieurs,nous sommes au XXIème siècle à l’ère de l’abondance de la nourriture et pourtant 4 enfants sur 10 à Madagascar ne mangent toujours pas à leur faim. Ce fait est inadmissible et ces chiffres sont aberrants!
La nutrition est un droit humain fondamental et non un privilège! Alors, il est temps que nous unissions nos forces pour faire de la sécurité alimentaire et nutritionnelle notre principal défi en Afrique et une priorité non négociable de tous les leaders.
Pour ma part, depuis le début de mon mandat j’ai travaillé sans relâche pour trouver des solutions concrètes en vue de vaincre la malnutrition à Madagascar et venir en aide aux Malagasy. Par exemple, nous devons atteindre l’autosuffisance en riz d’ici trois à quatre ans.
Pour ce faire, nous allons augmenter les surfaces cultivables de 100.000 hectares et nous avons signé une coopération avec la JICA pour doubler le rendement rizicole. En attendant l’atteinte de cet objectif, nous avons implanté un réseau de banque alimentaire populaire appelé «Vary Mora» signifiant «Riz pour tous». destiné aux couches de populations les plus vulnérables. Dans le cadre de cette opération, nous avons réceptionné en mars dernier 16.500 tonnes de riz.
Une alimentation saine est indispensable au bien-être de la population et c’est une condition préalable au développement.
En effet, le peuple constitue notre plus grande source d’énergie, en tant que principal moteur de croissance, pour conduire nos pays respectifs sur les rails de l’Émergence. Car si les acteurs ont faim, ils ne peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes.
Ainsi, l’autosuffisance alimentaire représente un défi national prioritaire dans la Politique Générale de l’État de mon pays et le Plan Émergence de Madagascar se traduisant en actions concrètes pour des réalisations quantifiables et mesurables. La lutte contre la malnutrition et le défi de l’autosuffisance alimentaire ne dérogera pas à l’obligation de résultat que nous nous sommes fixée.
En réponse à ce fléau, notre politique alimentaire doit se présenter en 5 mesures très claires :
1. Nous allons créer des structures nationales, régionales et locales seront pour soutenir les politiques dédiées à l’amélioration de la nutrition et de surveiller la consommation ainsi que les habitudes alimentaires de la population.
2. Nous allons accroître la production alimentaire locale grâce à un programme d’investissements agricoles et une rationalisation du secteur agro-alimentaire; (notamment en améliorant les techniques de transformation et conservant des aliments tout en gardant leur valeur nutritionnelle). Il faut moderniser nos pratiques agricoles pour créer une chaine de valeur grâce à la professionnalisation de la filière.
3. Nous améliorerons la disponibilité et l’accès à la consommation d’aliments nutritifs variés en produisant localement tout ce dont Madagascar a besoin. Pour ce faire, des usines seront implantées du Nord au Sud du pays pour la transformation du Moringa et de la Spiruline. Ces compléments alimentaires riches en protéines, en fer, en oligo-éléments et en vitamines sans oublier ses vertus thérapeutiques, seront distribués dans les écoles pour favoriser le développement physique et intellectuel des élèves. Dans le Sud, qui est affecté par le «kéré» (famine) depuis de nombreuses années, nous allons promouvoir la fabrication de produits à base d’Aloé-vera.
4. Des mesures concrètes seront prises actions pour assurer une bonne gestion des ressources en eau, en terre et en matières premières pour un accès équitable aux moyens de production pour les agriculteurs.
5. L’autonomisation des couches de population les plus exposées à la pauvreté, à savoir les femmes et les jeunes, les personnes âgées en augmentant leurs chances d’occuper un emploi décent. Cette mesure fera l’objet d’une attention particulière, car la précarité des ménages africains subsahariens ne bénéficiant pas d’un emploi décent demeure l’une des causes de la malnutrition.>
Alors un cercle vicieux se met en place car sans une alimentation suffisante, variée et de qualité, on ne peut pas devenir un bon travailleur. De ce fait, il s’avère difficile de sécuriser un emploi, or sans travail, on ne peut pas se nourrir convenablement.
Mesdames et Messieurs,
Le défi est immense car il s’agit d’un fléau profondément ancré. Mais nous ne reculerons devant rien pour assurer le droit de la population malagasy toute entière à une nutrition adéquate, la santé et le bien-être des mères, des enfants et des adultes, ce par la synergie des interventions multisectorielles et la prise en compte de l’aspect sociétal, économique et culturel doivent être pris en compte. Seule cette approche pourra garantira la réussite et l’efficacité de la mission qui nous incombe.
Vous l’aurez compris, la volonté politique à vaincre la famine est bien présente. Je suis résolu à vaincre ce fléau. L’implication de toutes les parties prenantes est cruciale et le soutien des acteurs internationaux constitue un atout indéniable.
Je suis convaincu qu’ensemble, en nous donnant les moyens de nos ambitions, en unissant nos forces et notre détermination, nous pouvons vaincre la malnutrition en Afrique. Le Japon est un exemple à suivre en matière de résilience et nous l’a prouvé à maintes reprises. En effet, à travers son histoire, la population japonaise a su transformer les contraintes et les crises en opportunités de reconstruction.
J’appelle nos partenaires japonais et internationaux à nous soutenir dans notre ambition commune de vaincre la malnutrition en Afrique car il s’agit de l’avenir de nos futures générations.
Chers pays frères, chers amis du Continent Africain,
Nous devons prendre soin de nos enfants pour devenir le nouveau modèle de réussite économique et social que nous visons.
Je vous invite à me rejoindre dans cette noble cause dès maintenant sans perdre de temps. Comme je le dis souvent, avec la foi, le courage, le travail, tout devient possible.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Vive la Santé et le Bien-être de tous les peuples,
Vive la Solidarité et l'Amitié entre toutes les Nations.
Andry Rajoelina
Président de la République de Madagascar