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Vatican. Comment aborder les cas d’abus sexuels à Madagascar?

Ces dernières années, plusieurs affaires de pédophilie touchant l'Église catholique ont éclaté dans les médias. Des drames révélateurs d’un problème plus répandu que le Vatican a longtemps feint d’ignorer. En France, après que l'affaire du cardinal Philippe Barbarin (condamné en 2019 pour ses silences sur les agissements d'un ancien prêtre de son diocèse lyonnais, Bernard Preynat, lui-même condamné pour agressions sexuelles sur mineurs) a dévoilé l'inaction de l’Église face aux victimes, une Commission indépendante sur les abus sexuels au sein de l’Église même a vu le jour. Crée en 2018, elle a déjà permis de recueillir plus de 3.000 témoignages.

Ensuite, le 16 juillet 2020, à l'initiative du pape François, le Vatican a diffusé des règles concernant la procédure à suivre dans ce genre de situation, à destination des ecclésiastiques. Il s’agit de documents constituant un « instrument destiné à aider les ecclésiastiques à "mener correctement les affaires" impliquant des religieux ». Pour rappel, le Pape François, ayant fait de la lutte contre ce fléau une des priorités de son pontificat, avait convoqué, en février 2019, un sommet inédit ayant regroupant 114 présidents de conférences épiscopales. À cette occasion, il s'était engagé à « donner des directives uniformes pour l'Église », évoquant avant tout des références légales déjà en vigueur au plan civil et canonique.


Le 1er juin 2021, un grand pas dans cette lutte a encore été effectué. En effet, l’Église catholique a annoncé une modification dans le droit canon, son code législatif interne, pour y faire figurer un article sur les crimes sexuels commis par des prêtres contre des mineurs, comme le demandait depuis longtemps les victimes de pédophilie. Il s’agit-là d’une mesure réclamée de longue date par les victimes pour mieux lutter contre les crimes commis par des prêtres contre des mineurs. Jusque-là, le Code de droit canonique prévoyait de punir les abus sexuels commis par le clergé contre les mineurs, sous le simple intitulé du non-respect du sixième commandement de la Bible (« Tu ne commettras pas l'adultère »). Cependant, cette formulation axée sur le non-respect du célibat était dénoncée comme désuète, voire obscure, en termes de justice civile, au regard du tsunami de scandales de pédophilie découverts au sein même de l’Église ces dernières années. En France mais également aux États-Unis, au Chili, en Allemagne…

Ainsi, le 1er juin 2021, le Vatican a présenté un remaniement en profondeur de l'un des sept livres de son droit canon de 1983, contenant les sanctions pénales de l'Église catholique, changements qui entreront en vigueur en décembre 2021. Dans une section intitulée « Délits contre la vie, la dignité et la liberté humaines », ce droit canon comprend désormais « un délit contre le sixième commandement du Décalogue, avec un mineur ou une personne habituellement affectée d'un usage imparfait de la raison ou avec une personne à laquelle le droit reconnaît une protection similaire ». Enfin, toute personne conduisant un mineur à « participer à des exhibitions pornographiques » ou conservant des images pédopornographiques, sera sanctionnée par une peine qui pourra aller jusqu’au renvoi de l’église.


A Madagascar, le cas du père défroqué, Dominique Razakarivao a défrayé la chronique en 2019. C’est un prêtre qui a dirigé, une vingtaine d’années durant, une ferme située à Antsahasoa à proximité de la ville d’Antsirabe. La spécificité en est qu’il s’agit d’une ferme-école. Et qui dit école dit enfants (450 élèves ont été recensés en 2011). Selon notre confrère Julien Coquet, dans un article du journal « La Nouvelle république », en date du 11 juillet 2018, les abus portent principalement sur des détournements systématiques de conteneurs d’aide humanitaire comprenant du matériel et des vêtements, envoyés de Tours. Mais, au fil de temps, les langues se sont déliées et il est question de « relations charnelles avec des élèves, majeures et mineures. Les victimes seraient âgées de 13 à 15 ans. Plus encore, « On parle de viols et d’abus sexuels répétés », révèle l’article. Ainsi, en avril 2018, une plainte a été déposée auprès du procureur de la République de Tours pour signaler des faits jugés délictuels. Il s’agissait de « porter à la connaissance du parquet, des faits de vols, de détournements d’objets et de biens ainsi que de subornation de témoins ». 

Malgré toute une série d’articles publiés dans « La Gazette de la Grande île » et sur madagate, le mutisme, au sein de l’Église catholique romaine à Madagascar ou ECAR, a toujours été de mise, au niveau de la Nonciature même, chargée de représenter les intérêts du Saint-Siège à l'étranger. L’oubli semblait avoir fait une œuvre définitive. Actuellement, les donnes ont changé, l’espoir renaît chez les victimes forcées de se terrer dans le silence par crainte de représailles. Le dossier du Père Dominique sera-t-il ré-ouvert, si jamais il a été ouvert un jour ? Ou bien le principe de non-rétroactivité jouera-t-elle en faveur de ce criminel qui semble courir quelque part à Madagascar ? Après cette publication du Vatican du 1er juin 2021, il est sans doute temps que l’Épiscopat catholique de Madagascar éclaircisse la situation à propos des « père Dominique » qui ont sévi, sévissent et séviront encore dans leur paroisse si l’Omertà, cette fameuse loi du silence mafieuse, perdure. En tout cas, le Pape François, lui-même, a été clair : « Ces dérives font du clergé un instrument de Satan ».

Aussi, il s’agit, à présent, d’agir et de ne plus se contenter de dire : Vade retro satana (qui peut se traduire en français par « Arrière, Satan », « Recule, Satan », « Retire-toi, Satan » ou encore « Va-t'en, Satan »). Il s’agit d’un verset en latin d’une formule catholique utilisée lors d’une séance d’exorcisme. Il est apparu pour la première fois au Moyen Âge, dans un ouvrage découvert à l’Abbaye de Metten en Bavière, Allemagne.

Revers de la médaille de Saint Benoît, Patriarche des Moines (Sanctus Benedictus monachorum Patriarcha), avec la signification des initials

Comme avec moi, vous vous cultivez de jour en jour, ci-après le texte en latin, suivi de sa traduction en français :

Crux sacra sit mihi lux

Non draco sit mihi dux

Vade retro satana !

Numquam suade mihi vana !

Sunt mala quae libas !

Ipse venena bibas !

 

Puisse la Sainte Croix être ma lumière

Fasse que le dragon ne soit pas mon guide

Arrière, Satan !

Ne me tente jamais avec des choses futiles !

Ce que tu m'offres est le Mal !

Bois toi-même le poison !

(Le mot « dragon » fait référence à la Bête de l’Apocalypse dans la Bible).


Enfin, dans le « civil », c’est-à-dire hors contexte religieux, Madagascar a fait des pas de géant grâce à l’implication directe de la Première Dame, Mialy R. Rajoelina, et de manière plus élargie. Ainsi, le 13 janvier 2019, la loi n°008/2019 relative à la lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VGB) -comprenant 22 articles-, a été déclarée « conforme à la Constitution et aux conventions et protocoles internationaux relatifs à ce sujet », par la Haute cour constitutionnelle et « peut faire l’objet d’une promulgation ». Cela a été effectué. Extraits des déclarations de Mme Rajoelina à cette occasion :

« La loi contre les violences basées sur le genre a été adoptée par le Parlement. C’est une grande victoire pour les droits des femmes et des enfants victimes. Une avancée vers la fin de l’impunité et davantage de justice sociale.

Merci aux parlementaires qui se sont unis à nos voix !

Merci également aux Ministère de la Population, de la Justice, de la Sécurité Publique, du secrétariat d’état de la Gendarmerie et la société civile qui ont élaboré cette loi. Je tiens également à remercier toutes celles et ceux qui nous ont donnés la main pour que ce succès prenne forme. Nous avons osé nous exprimer d’une seule voix : Oui à la bienveillance! Non à la violence! ».


Ainsi, si cette loi n°008/2019 permet aux victimes, passées, présentes et à venir, de porter plainte sans crainte, en ce qui concerne alors les « père Dominique », une autre période de mutisme de la part des Évêques de Madagascar, ne serait pas… catholique.

Jeannot Ramambazafy

Mis à jour ( Samedi, 05 Juin 2021 08:29 )  
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