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Madagascar Afrobasketmen 2011 : la problématique de l’incivisme

Toto Marie Lydia Raharimalala, ancienne Secrétaire d'Etat à la formation technique et professionnel;
Augustin Andriamananoro, ancien Ministre des Télécommunications, Postes et Nouvelles technologies

Alea jacta est. La 26ème édition de l’Afrobasketmen (Championnat d’Afrique de basketball masculin), a débuté ce 17 août 2011 au Palais des Sports de Mahamasina, à Antananarivo. Elle s’achèvera le 28 août 2011. A la clé pour l’équipe victorieuse parmi des seize équipes qui y participent : une place au Jeux olympiques de Londres en 2012. Hélas, la cérémonie d’ouverture a révélé un aspect de la mentalité de certains individus qui n’ont toujours pas compris ce que Nation veut dire.

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Durant les discours respectifs de Mabusa Ekesa (photo ci-dessus), Président de la FIBA Afrique et de Camille Vital, Premier ministre du gouvernement de transition, des sifflements et des cris débiles ont retenti de la part de quelques spectateurs. Ce qu’ils ne savent pas ou feignent d’ignorer, c’est que c’est sur le pays tout entier que la honte tombe. Un Malgache ayant une forte notion de patriotisme m’a déclaré : « Si cette cérémonie avait eu lieu en province, il n’y aurait jamais eu ce genre de comportement de mal élevé ». Le problème, la problématique, en fait, remonte à l’après mai 1972.

Le Premier ministre Camille Vital, garde l'esprit sportif

« Esclave, tu es affranchi ». Réponse : « Que vais-je faire de cette liberté ? ». Avant toute chose, est esclave la personne à qui l’on fait faire des corvées sans qu’elle perçoive un quelconque salaire. L’esclave moderne est l’individu qui est sous-payé pour un travail donné. Cela dit, et effectivement, que pourrait bien faire d’une liberté toute nouvelle, un être humain dont les arrière-grands-parents étaient déjà des esclaves ? Rien par lui-même ni pour lui-même, tellement il a été habitué à ce que les autres pensent pour lui, agissent pour lui. Avant les évènements de mai 1972, bien que le paternalisme de Tsiranana a pris les Malgaches pour des enfants attardés, l’instruction civique et la morale étaient des matières obligatoires dans l’enseignement à Madagascar.


Nous avons alors appris tout ce qui relève du citoyen et de son rôle dans la vie politique. Nous avons appris que notre liberté s’arrête là où commence celle des autres. Nous avons appris à ne pas faire à autrui que nous ne voudrions pas qu’il nous fasse… En instruction civique, nous, élèves de cette époque, avons appris les règles de politesse et du comportement en société. Et nous avons acquis, peu à peu, un comportement responsable et sommes devenus plus autonomes. La règle de politesse la plus élémentaire que nous avons gardé est : se taire quand les autres parlent, se lever quand un adulte rentre dans la classe. Tout cela a été balayé par la révolution socialiste de Didier Ratsiraka et son idéologie copiée collée sur la Jamahiriya libyenne de Khadafi, le doutché du nord-coréen Kim Il Sung avec un zeste de marxisme-léninisme. La malgachisation à la sauce Manandafy Rakotonirina n’a fait qu’empirer les choses. Pour ce qui est des "intellos gasy", ils passent leur vie à élaborer des plans sur la comète, en ne pensant qu'à leur petit bien-être personnel. La grève des enseignants chercheurs -dont la majorité ne cherchent rien du tout, alors qu'ils exigent une prime de risque (le ridicule ne tue pas à Mada)-, en est l'image. Et dire que ce sont ceux-là qui prétendent former les étudiants, avenir du pays. Le futur est déjà sombre rien que d'y penser.

En ce mois d’août 2011, regardez bien autour de vous à Antananarivo. Les Malgaches ignorent à quoi sert un trottoir. Plus aucun jeune ne cèdera sa place à une personne âgée dans le bus. Cracher sur la voie publique est devenue une manière de vivre en société… La notion de bien commun est tellement inconnue que tout ce qui relève du domaine public est volé pour être vendu vilement : panneaux de signalisation ; fils électriques ; couvercles d’égout… Dans la vie en société, le « raharaha samy Malagasy » (affaire entre Malgache) a été traduit par la disparition de toute hiérarchie. Tous semblables ! Or, même dans la Russie communiste, il y avait une hiérarchie. Personne n’obéit à un ordre donné par un Malgache « comme lui ». Mais si c’est un « vazaha » (étranger), tout est fait illico.

En matière de patriotisme, il faudra plus d’une décennie pour réparer les dégâts causés par des politiciens inconscients, insanes. Ils apprennent à une frange de la population à ne pas lever le drapeau lors de la fête nationale. Les chefs des églises chrétiennes ne valent pas mieux. Ils brillent par leur absence, le 26 juin, date du retour de l’indépendance de Madagascar, la Nation commune. Comment voulez-vous que le pays se développe avec ces carences qui détruisent toute volonté de se surpasser pour accomplir soi-même des actions pour s’améliorer ? Et dire que le peuple malgache est réputé pour être très croyant. N'avez-vous pas remarqué tous ces clochers d'église, avant d'atterrir à Ivato?  L’esprit de pionnier n’a jamais existé dans la culture malgache car le pays a été colonisé au moment où il était en bonne voie d’unification. A partir de mai 1972, tous les dirigeants qui se sont succédés, se sont pris pour un dieu tombé sur terre (« andriamanitra ivavahana »), qu’il fallait vénérer. La vie du peuple malgache dépendait de lui et de son parti au pouvoir (passons sur le Psd) : Arema, Undd, Tim. Concernant le Tgv, il n'est pas encore assez structuré pour pouvoir faire une comparaison. Heureusement...

Il ne faut donc pas s’étonner des sifflements et des cris entendus lors de la cérémonie d’ouverture de l’Afrobasketmen 2011. Personne n’a appris à leurs auteurs les enjeux d’un tel tournoi sportif pour la nation commune. En fait, la problématique de développement qui freine Madagascar réside dans ce manque total de civisme. Le culte de la personnalité est trop vivace. Lorsque l’on écoute et voit une annonce de tel ou tel évènement où sont énumérés les noms et les titres des dirigeants actuels, on se demande vraiment pourquoi une telle publicité politique nominative ? Lorsque l’on voit à la télé nationale, des publicités vantant des pâtes alimentaires et du savon venus d’ailleurs, on se demande vraiment si les Malgaches sont capables d’autre chose que d’être servis sur un plateau d’argent ? Tout cela entretient encore plus un état de dépendance, une volonté de briser toute initiative locale. Ne parlons pas des émissions qui tuent réellement la culture malgache, ni des chansons aux paroles débiles mais facilement mémorisées par des Malgaches déjà pauvres d’esprit. Dernière trouvaille des politiciens pro-Ravalomanana : inventer le mot « Dada » (papa) dont dépendent leurs enfants (« Zanak’i Dada »). Ceux qui les suivent ne feront jamais rien de leur vie sans lui. Faut-il en pleurer ou en rire ? Certains se disent même orphelins ("kamboty") !

Que faire alors ? Car il ne suffit pas de se contenter de faire des constats archi-connus. Dès la prochaine rentrée scolaire, rendre obligatoire l’instruction civique et la morale dans les écoles et les lycées de Madagascar. Si l’on commence à partir de là, le niveau de civisme d’avant 1972 sera retrouvé en 2025. Il importe que le réflexe de civisme soit spontané et non tributaire de "cadeaux" et autres sommes d'argent en espèces sonnantes qui font trébucher la morale. Car il faudra du temps pour effacer toutes les âneries vécues de nos jours. D’autre part, il faut également interpeller toutes les entités qui adorent mettre en avant les fameux droits de l’homme. Il semble que tous ont oublié que les droits ne vont pas tous seuls. La contrepartie est constituée des devoirs, des responsabilités. Personne ne parle de ces derniers. Journée des droits de l’homme ? Toutes les têtes pensantes vont rendre visite aux prisonniers. A commencer par le ministre de la Justice. Leurs droits de voler, de piller, de tuer, passent avant ceux des automobilistes, des femmes, des consommateurs, du simple citoyen qui ne demande qu’une vie meilleure alors ?

Mabusa Ekesa semble démontrer qu'il faut respecter la Nation dont le drapeau est un symbole

Un mot sur la notion de liberté. Actuellement ce mot est traduit par la permission de faire ce qui vous passe par la tête, sans penser aux autres. Faire et dire n’importe quoi, pour simplifier. Allez dans les forums, vous serez sidérés par les arguments de certains, au nom de la liberté d’expression. Sont-ils conscients que, tôt ou tard, on répondra toujours de ses actes ? Non, sûrement pas. C’est aussi ici que commence la notion corrompue du « aza fady » (excusez-moi). Il n’existerait pas sans les conneries consommées. Exemple : je vous écrase le pied : « aza fady ». Je vous insulte : « aza fady »… Les 75% du temps des 55% des Malgaches sont gaspillés pour se chercher des excuses. Ou pour préparer un (mauvais) coup, genre avoir le maximum en dépensant l'énergie minimale. Ces tares sont exploitées par certains politiciens et quelques étrangers. Mais les locaux n'en sont pas conscients.

Pour en revenir à cette cérémonie d’ouverture de l’Afrobasketmen 2011, il faut dire aussi que le gouvernement ne sait pas y faire et ne connaît rien du tout en matière de communication, qui est expliquer, expliquer… C'est un travail de longue haleine et non ponctuel, occasionnel. Certes, l'Etat malgache de transition a prouvé que, techniquement parlant, le pays est capable d'accueillir un évènement sportif d'envergure continentale mais... Une autre histoire que je vous raconterais un jour. Enfin, concernant les médias locaux, c'est le vide total en matière d'éducation ("Fanabezana") tout court. La publicité fait vivre, certes, mais à outrance elle détruit la culture et la personnalité de tout un peuple. Par ailleurs, la liberté a toujours un prix. Elle demande des sacrifices. Aux Malgaches de savoir lesquels, en acceptant d'être éduquer en conséquence.

En ce mois d'août 2011, les pauvres d'esprits (malléables et corvéables à souhait), comme les égoïstes (ceux qui pensent que l'argent rend immortel) vendent et se vendent au politicien le plus offrant. Sans voir plus loin que le temps présent où tout semble matière à profit. Mais ils ne construisent que sur le sable. Ils veulent le beurre et l'argent du beurre sans en mesurer les conséquences pour leurs propres descendants qui hériteront de leur forfaiture. En un mot : ils ne sont pas dignes d'être des citoyens Malgaches dont beaucoup osent dire : "Leo politika izahay" (nous en avons marre de la politique alors que tout est politique. A commencer par la gestion de son foyer, son ménage. Politique (de polis), originellement signifiant : gestion de la cité. S'ils ne savent pas gérer leur propre vie c'est parce que plus personne ne leur a appris, après mai 1972. L'idéologie abêtissante "Ao anaty boky mena" (dans le livre rouge) de Didier Ratsiraka, "Filoha hajaina" (Vénéré Président) a tout détruit. Même l'hymne national avait été remplacé par un air à sa gloire, parlant de "Madagascar qui ne s'agenouille pas" ("Madagasikara tsy mandohalika"). Tu parles !

A cause de cet incivisme endémique, la Grande île est en train de ramper. De pays sous-développé, la Grande île de l'océan Indien est passé à pays en voie de sous-développement spirituel et culturel très avancé. Résultat encore plus dramatique, la majorité fait le contraire de ce qu'avait déclaré le Président John Kennedy en créant le Corps des Volontaires de la paix ("Peace Corps"), en 1962 : "Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi. Demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays". A chaque meeting des dirigeants, depuis plus d'un demi-siècle c'est le sempiternel "mba mangataka amin'ny fanjakana mba hanampy anay" (nous demandons à l'Etat de nous aider. Une mauvaise habitude due à l'Etat-providence de Ratsiraka (encore et toujours), qui a engendré un peuple de mendiants et de sales profiteurs.

Aussi, une chose est certaine : tant que les Malgaches, eux-mêmes, seront mal éduqués, rien ne les contentera, dans quelque domaine que ce soit. La volonté des dirigeants présents et à venir ne suffira pas. Vous connaissez l’histoire du porc couvert d’or et de diamants du groin aux pieds (de porc) ? Il reste toujours un porc. A bon entendeur, (Port) salut !

PRINCIPES DE BASE ACTUALISES DE L’INSTRUCTION CIVIQUE

A. Les élèves découvrent les principes de la morale, qui peuvent être présentés sous forme de maximes illustrées et expliquées par le maître au cours de la journée : telles que « La liberté de l’un s’arrête où commence celle d’autrui », « Ne pas faire à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fasse », etc. Ils prennent conscience des notions de droits et de devoirs.

B. Ils approfondissent l’usage des règles de vie collective découvertes à l’école maternelle : tel l’emploi des formules de politesse ou du vouvoiement. Ils appliquent les usages sociaux de la politesse (ex :) et coopèrent à la vie de la classe (distribution et rangement du matériel).

C. Ils reçoivent une éducation à la santé et à la sécurité. Ils sont sensibilisés aux risques liés à l’usage de l’internet. Ils bénéficient d’une information adaptée sur les différentes formes de maltraitance.

D. Ils apprennent à reconnaître et à respecter les emblèmes et les symboles de la République.

Jeannot RAMAMBAZAFY – 18 AOUT 2011

Mis à jour ( Vendredi, 26 Août 2011 16:27 )  
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