L’évènement inédit et sans précédent « Ensemble, courons ! », du dimanche 8 juin 2008, s’est terminé en queue de poisson, victime de son succès. On ne saurait jeter la première pierre à quiconque mais, à Madagascar, la gratuité entraîne des réactions plus que rétrogrades. Reportage photographique inédit de Jeannot Ramambazafy..
En avant-goût, ci-dessus, portant les dossards 0302 et 0301 Mme et M. Illiasse Akbaraly, P-Dg du groupe Sipromad.
Ci-dessus, le petit frère de Jean Louis Ravelomanantsoa, champion du 100m à Mexico en... 1968
Dès 5h du matin, il y avait foule aux abords du lac Anosy. Il faut dire aussi que dans l’après-midi a eu lieu le match Barea de Madagascar versus Eléphants de Côte d’Ivoire (0-0 au score final) et que les forces de l’ordre avaient été bien départagées. Concernant la course de solidarité, organisée par Media Consulting en partenariat avec la Commune Urbaine d’Antananarivo et sponsorisée par Orange Madagascar et la Star, l’enthousiasme prévalait bien des jours avant ce jour J. Mais alors que 4.000 participants étaient prévus initialement, ce sont près de 20.000 personnes qui se sont retrouvés aux départs. Car il y en a eu deux. Le premier destiné aux sportifs licenciés, le second en « open ». But de la course : recueillir des fonds pour financer une action humanitaire. Principe : chaque participant, en s’inscrivant, devait s’acquitter d’un ticket de 200 ariary (moins de 20 centimes d’euro) et, en retour, il avait droit à un dossard numéroté et un T-shirt. Mais au bout de quelques jours, les 4.000 tickets avaient été épuisés. L’organisateur décida donc d’en imprimer 11.000 en plus et d’arrêter le nombre des participer à 15.000 donc. Ces derniers ne recevant plus qu’un T-shirt au moment du départ. Mais, il n’avait pas été interdit aux autres de participer pour le plaisir, sans ticket donc sans T-shirt. C’est à partir de là que débutèrent des débordements.
A droite, Jean Luc Bohé, Dg d'Orange Madagascar, sponsor de cet évènement inédit
Le groupe Viva avec, en tête, Mialy Rajoelina, épouse du Maire de la Ville d'Antananarivo
Mialy Rajoelina dirige également les sociétés Doma Pub et Injet
Dès 5h du matin donc, des gens étaient venus faire la queue pour avoir un T-shirt. Or, ils n’avaient pas de tickets. En fait, il s’agissait bel et bien d’une bande de perturbateurs qui ont fait parler d’eux alors que nous étions déjà au point d’arrivée du stade d’Alarobia. En effet, selon les propres révélations de Jaobarison Randrianarivony, interviewé par la suite, une quinzaine de table, une soixantaine de chaises, des banderoles géantes ont été « emportées », qui se trouvaient aux points de restauration devant le Palais de Justice. Quant à ceux qui avaient un ticket, ils étaient tellement nombreux qu’il avait été impossible de tous les satisfaire avant le coup d’envoi des départs. Rendez-vous était pris alors au stade d’Alarobia où il était prévu la suite de la distribution. Vers 9h 15, tous les milliers de participants de cette course sans précédent étaient sur le parcours bien balisé. Des riverains des quartiers traversés étaient venus en masse pour voir ce spectacle peu ordinaire qui, dans l’ensemble s’est déroulé sans aucun incident. Des points d’eau avaient été installés par précaution. Vers 11h30, tous les coureurs étaient arrivés à bon port et tout le monde soufflait dans l’attente des résultats et de la fameuse distribution des divers lots et surtout des T-shirt. Vers midi passé, le premier camion chargé de ces « cadeaux » entrait dans le stade. Mouvement de la plupart des gens qui allaient effectivement former une queue.
L'arrivée du gros peloton au stade d'Alarobia
Chapeau à l'équipe Viva-Doma Pub-Injet qui a fait la course de bout en bout !
Christian James Razafimahefa, président de la Fédération malgache d'athlétisme
Le Dg de Media Consulting demandant des nouvelles
Le camion de la discorde
La tente de la Croix Rouge malagasy
Mais c’est à ce moment que la bande de perturbateurs entra dans la danse, en prenant d’assaut le camion. Et, par imbécilité ou par peur -qui sait-, les agents de sécurité se trouvant dans le véhicule n’ont rien trouvé de mieux que de lancer les sachets content T-shirt et sandales en pâture au public. Grave erreur car ce fut carrément la curée. Malgré l’injonction des animateurs de cesser ce genre de « distribution à la volée », ces agents, au contraire, reprirent de plus bel. Pire, certains perturbateurs ont réussi à monter sur la camion et ont procédé eux-mêmes à cette distribution aussi invraisemblable que dangereuse. Résultats : une grille de protection mise à terre par la poussée des gens ayant entraîné des blessés. Nombreux ont été ceux qui ont perdu un soulier. Quelques-uns ont été délestés de leur téléphone portable. A un moment, un autre camion s’apprêtait à entrer dans le stade. Mais il a vite rebroussé chemin… Tout ne s’est arrêté que lorsque que dans le premier camion il n’y eut plus rien à jeter comme on jette un os à un chien. Les gens sensés, la majorité, avaient déjà vidé les lieux. Ainsi, victime de son succès, cette course s’est terminée en queue de poisson, dans une situation ingérable. On aurait pu s’attendre au pire… Plus question de donner un quelconque résultat, face à cet aspect triste et malheureux d’une mentalité indécrottable. Sale comme la maladie des mains sales. Car, une heure à peine après ce cafouillage, des T-shirt et des sandales étaient déjà vendus à 2.000 ariary (moins d’un euro) aux abords extérieurs du stade même. Or, Media Consulting n’est pas un novice en matière de méga évènement. Il faut se rappeler que ce sont plus de 45.000 spectateurs qui étaient venus lors du concert de Rossy, le 25 mai. Aucun incident ne s’était produit. Alors ? Place à Jaobarison Randrianarivony :
Jaobarison Randrianarivony, Dg de l'agence Media Consulting
« Je ne sais pas mais il y a eu une incompréhension totale de la part des gens chargés de la distribution. Je n’avais donné aucun ordre pour faire entrer les camions dans le stade et encore moins ordonné de lancer les T-shirt promis de cette manière incroyable. Malgré la tenue du match Barea de Madagascar-Eléphants de Côte d’Ivoire, nous avions obtenu 100 éléments de la Police centrale à qui se sont ajoutés 200 membres de la sécurité civile. Nous avons vraiment vécu une situation ingérable. Je m’en excuse auprès du public et des parents des enfants ainsi qu’auprès des personnes qui ont été blessées ou qui ont perdu quelque chose. Il faut savoir que, dans ce genre d’évènement, la Croix Rouge Malagasy est omniprésente et nous mobilisons toujours une quarantaine de médecins. Un système d'évacuation est prêt instantanément (une centaine de personnes ont reçu des soins dans la tente de la Croix Rouge et six blessés ont effectivement été évacués à l'hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona pour fractures diverses). Pour La suite ? Pour le moment, c’est le stand-by car nous ne savons pas exactement combien de T-shirt et de sandales ont été lancés. Ce que nous savons c’est que 15.000 tickets ont été vendus et que ce sont des personnes qui n’avaient pas de tickets, mais qui ont couru, qui ont semé le trouble, sans parler de l’acte incompréhensible des agents qui ont effectué ces lancements (en fait, ce sont près de 30.000 personnes qui ont couru !). Il y a eu une « infiltration » de part et d’autre. Pour l’an prochain, la gratuité ne sera plus de mise… Pour l’instant, nous demandons aux gens de conserver leur ticket. Nous ferons une communication par voie des media ». Nonobstant ce couac, le président de la Fédération malgache d’athlétisme, Christian James Razafimahefa, lui, a été admiratif par l’enthousiasme de tous les coureurs. Moralité : face à une mentalité pêchant par une carence flagrante de civisme et de respect de soi-même -donc des autres-, la gratuité n’entraîne pas forcément la… gratitude. Rendez-vous en 2009 mais avec un montant de participation claire et nette. Car la sécurité et le succès ont aussi leur prix. Reste à savoir qui va monter cette « affaire » en épingle.
En jaune avec écharpe noir, Nicolas Rabemananjara, Dg de Tv Plus Madagascar
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Texte et photos :
Jeannot Ramambazafy
Journaliste
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