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Madagascar Grand Sud avec Nadine Ramaroson

Du 13 au 20 février 2010, Nadine Ramaroson, infatigable ministre de la Population et des Affaires sociales, a effectué une tournée dans le Grand Sud de Madagascar que peu d’étrangers connaissent.

Pour s’y rendre, deux routes nationales : la RN10 et l’infernale RN13. Ici, la sècheresse se nomme « Kere ». En fait, le problème n’est pas lié au climat sahélien mais plutôt à une mauvaise maîtrise et une incompréhensible gestion de l’eau.

Certes, on dira que ce sont les moyens matériels et financiers qui manquent mais tout de même, en un demi-siècle, le quotidien des compatriotes malgaches n’a pas changé. Or, il existe de grands cours d’eau que l’on peut parfaitement canaliser à travers un système de barrages et de pipe-lines. Mais non : tous les dirigeants passés n’ont aucune volonté politique pour sortir cette région de la pauvreté absolue.


En fait, ces populations du Grand Sud n’étaient -et ne sont encore- que de simples créatures permettant d’aller jouer aux mendiants auprès des bailleurs de fonds pour avoir de l’argent. Si encore cet argent avait été utilisé à bon escient… Mais le problème n’est toujours pas résolu alors que tous les dirigeants passés possèdent, au moins, une villa personnelle. Cette mentalité d’enrichissement de sois, au détriment de la population a été révélé par Monja Roindefo Zafitsimivalo, ancien Premier ministre de la transition.

Ce fils du leader politique charismatique Monja Roindefo est originaire de cette région que j’avais surnommé, il y a 17 ans dans un dossier pour le feu magazine « Marovany » : « le royaume du Kere ». Revenu de Thaïlande, Monja Roindefo y a ramené des partenaires pour creuser, tenez-vous bien : non pas des puits dans sa région natale mais une galerie marchande souterraine en plein centre d’Antananarivo, Capitale de Madagascar ! Rien qu’à cause de cette idée complètement saugrenue, il ne sera jamais élu président de la république. Car les peuples du Grand sud, n’oublieront jamais.

Même si cette idée ne restera qu’une très mauvaise idée. A quel titre pourrait-il le faire d’ailleurs ? Il n’est ni ministre des Travaux publics et de l’aménagement du territoire, ni maire de la ville d’Antananarivo dont ce n’est nullement la priorité. La question restera donc : mais quelle mouche l’a donc piqué ? En ce début d’année 2010, ce Grand Sud est resté exactement le même que celui que j’ai parcouru avec le confrère Latimer Rangers, alors ministre de la Culture. Il y a 17 ans.

Le cycle du « Kere » est devenu endémique, avec ou sans les fameuses sanctions de la Communauté internationale. Nadine Ramaroson, en parcourant cette région oubliée, sauf lors des campagnes électorales, a mis en application le proverbe asiatique : « si tu veux aider ton prochain à vivre de manière autonome, ne lui donne pas du poisson, donne-lui une canne à pèche ». Enfin, un truc comme çà.


Après avoir entendu les doléances -toujours le manque d’eau et de moyens de production-, après avoir constaté de visu que des milliers d’hectares étaient parfaitement cultivables, Nadine Ramaroson a débarqué avec des « angady » (bèches) et des charrues à boeufs. Voilà ce qui s’appelle du réalisme. Car, jusqu’à preuve du contraire, la mécanisation agricole ne sera pas pour ce siècle à Madagascar. Les tracteurs et autres « Kubota » sont des cadeaux empoisonnés. L’Amiral Didier Ratsiraka en avait importé par centaines des pays de l’Est. Que sont-ils devenus ?


Des tas de ferrailles vendus par kilos. Ravalomanana a trompé tous les bailleurs de fonds avec sa « vitrine de Madagascar ». Or, il avait utilisé les moyens des pouvoirs publics que n’aura jamais un paysan malgache. C’est-à-dire : engrais, tracteurs avec les pièces de rechange et le prix du carburant allant avec… Un véritable attrape-bailleurs dont des experts comme Louis Michel, député européen, s’est fait le défenseur farouche.


Les gens du Grand Sud de Madagascar ne sont pas des fainéants. Au contraire, habitués à un environnement hostile, même moi, je me demande comment font pour survivre ceux qui restent. Car, des générations sont devenues nomades, remontant vers le Nord pour trouver du travail. Et quel travail ! Gardiens de nuit, tireurs de pousse-pousse, vendeurs de brochettes… Sinon main-d’œuvre à bon marché des grandes plantations sucrières. Cependant, lorsqu’ils décèdent, ils doivent être enterrés chez eux. Ce qui fait que durant leur vie errante, ils économisent pour avoir un bel enterrement.


Car, dans leur culture, une autre vie commence après la mort. L’important, actuellement, est donc de trouver un moyen pérenne pour les aider à rester chez eux en ayant des sources de revenus permettant de faire vivre leur famille. En cette année 2010, c’est inimaginable mais tout est à refaire. Le temps s’est suspendu au XVIIIè siècle dans ces contrées qui auraient donc du être prospères si une volonté politique réelle, conjuguée à une notion sincère de patriotisme, avait été mise en application.


Les Japonais n’ont rien trouvé de mieux que de fournir des camions citernes. Résultat ? L’eau est revendue à prix d’or. Or, je m’en souviens, il existait aussi un grand projet de pipe-lines, justement avec l’AES (Alimentation d’eau dans le sud). Où est-il passé ? Sans parler de cette autre idée carrément honteuse d’aller vendre de l’eau en Arabie Saoudite alors que des compatriotes en manque à longueur d’années. Au moment où l’on parle de droits de l’homme, cette situation ne semble pas être prise en compte. Si tous les êtres humains auront un jour le devoir de mourir, ils doivent, avant, avoir le droit de vivre, que diable ! Bon, pas la peine de s’époumoner au risque d’avoir un infarctus mais tout de même, il y a de quoi. En tout cas, voici des photos montrant que, malgré leur quotidien difficile, les Malgaches du Grand Sud existent et ils sont très accueillants.


Mais où diable sont donc les fameux enfants soldats et les milices armées inscrits dans le rapport des zéros pointés du Parlement européen ? Les gens, ici, ont d’autres chats à fouetter qu’alimenter les affabulations d’imbéciles à 11.000 km. Outre, la sècheresse, ils sont aussi confrontés au phénomène « Dahalo », cette mafia financée et armée par de hautes personnalités, maître du vol de bovidés à grande échelle. 50 ans après le retour de l’Indépendance du pays, le Grand Sud est resté tel qu’il a été découvert : le pays des épines, de la faim et de la soif. Pour combien de temps encore ?

En tout cas, merci à Nadine Ramaroson qui vous permet d’avoir un aperçu de ces régions oubliées. On verra dans dix ans s’il y a eu un changement notable, dans le principe de la continuité de l’Etat ou si les futurs dirigeants vont encore faire exactement la même chose que les dirigeants passés : parler sans agir et se remplir les poches.

Jeannot RAMAMBAZAFY

Photos : Andry RAKOTONIRAINY

Mis Ă  jour ( Dimanche, 21 FĂ©vrier 2010 13:45 )  
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