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Le 15 octobre 2011, le ministère de l’Agriculture, sous le haut patronage et la présence effective de Mialy Rajoelina, Première Dame de l’Etat, a célébré la Journée internationale de la Femme rurale. Bilan et perspectives.
L'actuel ministre de l'Agriculture, Vy Vato Rakotovao (au centre), accueillant Mialy Rajoelina
Les statistiques concernant le monde rural malgache en général, ne sont pas très fiables. Cependant, à Analavory, on a entendu que 80% de la population proviennent des zones rurales dont 25% de femmes. Cela confirme le fait que Madagascar, la Grande île de l’océan Indien, est à forte vocation agricole. Mais que faire pour valoriser ce riche potentiel aussi bien sur le plan des ressources humaines que sur les vastes terres domaniales qui ne demandent qu’à être cultivées ?
Dernières statistiques du site web de l'INSTAT. En retard de... trois années
Le problème dans la Grande île demeure que la fameuse continuité de l’Etat n’est qu’un sempiternel slogan. En effet, à chaque changement de dirigeants, toutes les avancées effectuées auparavant sont balayées pour des questions d’orgueil et d’egocentrisme… Cette Journée internationale de la Femme rurale donne l’occasion à www.madagate.com de voir plus loin à partir du passé, en rappelant, ici, qu’une étude sérieuse sur le secteur agricole a été faite à la FAO à Rome en juin 2009. Condensé.
Il faut se faire à l’idée une fois pour toute que le secteur agricole (agriculture, élevage et pêche) occupe une place prépondérante dans l’économie Malgache. Il constitue le principal pourvoyeur de valeur ajoutée, le principal gisement d’emplois et l’un des principaux fournisseurs de devises. Et il contribue également à la sécurité alimentaire du pays et des ménages.
Mialy Rajoelina Ă Analavory : " Renforcer le savoir-faire des femmes rurales malgaches "
Ce secteur vital est actuellement « malmené » par les évolutions rapides des règles du commerce international des produits agricoles, auxquels il a du mal à s’adapter, bien qu’il dispose d’avantages comparatifs indéniables.
Pour conserver sa position, le secteur agricole malgache a besoin d’opérer un certain nombre de transformations. A cet effet, la formation agricole constitue l’un des outils essentiels d’adaptation du secteur aux nouveaux enjeux et de concrétisation de la Politique générale de l’Etat, cela en perspective des mutations démographiques qui se dessinent.
Les chiffres de la CIA sont toujours actualisés...
Le taux de croissance démographique, estimé pour la période 2006-2010 à 2,46%, confirme les tendances d’augmentation de la population Malgache dans les prochaines décennies. Malgré cette progression, qui se traduit en particulier par de forts mouvements d’urbanisation, le pays demeure très rural. La grande caractéristique de cette population rurale est sa jeunesse : 56,6% de la population a moins de 20 ans. Le principal défi pour Madagascar est donc d’insérer annuellement un nombre croissant de jeunes dans la vie active. L’effectif pourrait atteindre plus de 700.000 par an en 2040.
Le fait que ces jeunes vivent principalement en milieu rural pose à la fois la question de l’offre de travail et la question de la formation technique de base, que ce soit dans le secteur agricole que dans les autres secteurs.
Ainsi, face à des enjeux économiques de plus en plus tendus, la question de la formation agricole est très sensible. La population rurale malgache est majoritairement pauvre et sous scolarisée, le taux d’analphabétisme est très élevé et les effectifs de structures de formation aux métiers ne suivent pas l’évolution démographique
- Les défis à relever dans le secteur agricole
Le défi social : Une population de plus en plus jeune, à qui il va falloir trouver des emplois : 300.000 jeunes par an actuellement (majoritairement de niveau post primaire) et 750.000 en 2040, à insérer chaque année dans la vie active.
Ce qui impose une formation spécifique et une prise en main de l’éducation rurale.
Le défi technico-économique :
* Existence de vastes zones surpeuplées sur les hautes terres avec des exploitations trop petites pour être viables économiquement. Phénomène aggravé à chaque génération, Impose des changements de métiers et des migrations pour les enfants de ces exploitants ;
* Nécessité de produire beaucoup plus, de meilleure qualité, et surtout de produire beaucoup plus par actif. Facteurs cruciaux : maîtrise de l’eau et adoption des techniques agro écologiques. Nécessité de produire différemment, en fonction des besoins du marché, avec des disciplines de qualité.
Le défi est techniquement tenable mais suppose des évolutions rapides et d’importants investissements en formation :
* Il faut notamment préparer les jeunes futurs exploitants à une profonde mutation technologique : 80.000 exploitations agricoles changent de main chaque année, au terme d’un processus de dévolution, sans formation professionnelle Agricole de base.
* Un nombre d’unités paysannes en progression constante (2.394.000 en 2003) caractérisées par un fort taux d’analphabétisme.
Le défi de l’urbanisation et de l’aménagement du territoire : Madagascar va voir sa population doubler et devenir à majorité urbaine, tandis que son économie sera de plus en plus intégrée au marché mondial. La part de la population urbaine va passer de 14% en 1960 à 40% en 2020 ; la population urbaine aura été multipliée par 13 en 60 ans.
Le défi de l’environnement: la population Malgache multipliée par 10 en un siècle accompagnée d’une montée correspondante des densités, exerce une pression considérable sur les ressources en sol (forte érosion), sur les ressources en eau (diminution des ressources souterraines liée à la déforestation) et sur la biodiversité. Il faudra veiller à ce que cette dégradation des ressources ne mette pas en danger la capacité de production Agricole du pays.
Le changement climatique : l’augmentation de la fréquence des évènements extrêmes constituera un facteur d’aléas supplémentaires, et obligera à de grands efforts d’adaptation.
- Les suggestions Ă mettre en Ĺ“uvre
Culture traditionnelle et artisanale de la tomate dans la région Itasy
Préparer une profonde mutation technologique et un changement de mentalités : le défi consiste à faire passer au plus vite l’agriculture malgache d’un système traditionnel dominé par l’auto subsistance à un système de production moderne tourné vers le marché.
Le défi de la formation de masse : la réponse actuelle du système éducatif agricole est très inférieure aux besoins. Relever ce défi présente deux difficultés majeures : le coût et les ressources humaines disponibles.
Enseigner à un public peu motivé par les méthodes scolaires : Il sera important de développer à grande échelle des méthodes adaptées à un tel public.
Améliorer l’accès des jeunes à la formation, par des systèmes de financement appropriés et durables, lorsqu’ils ont la capacité. La pauvreté est un obstacle qui empêche beaucoup de jeunes ruraux d’accéder à la formation.
Le système public est actuellement obsolète, très insuffisant en quantité et en qualité, sauf au niveau des études d’ingénieurs
Faiblesse des ressources accordées. Un système de formation agricole dominé par le Privé :
Le secteur privé a su développer une offre mieux adaptée et plus réactive. Mais cette offre est assez disparate, en matière de qualité de l’enseignement, peu contrôlée et mal répartie géographiquement.
Former des techniciens intermédiaires : Il y a un fort besoin de formation de techniciens à prévoir pour les Services aux agriculteurs, l’Agro industrie, l’enseignement et le renouvellement des effectifs de l’administration. Il a été constaté un fort déséquilibre entre les différentes catégories de formation : par rapport au ratio normal, le nombre de techniciens intermédiaires formés est très insuffisant lorsqu’on le rapporte au nombre d’ingénieurs formés.
Rétablir les déséquilibres inter régionaux : les Etablissements et Centres de Formation Agricole sont majoritairement concentrés dans les régions agricoles les plus riches et les moins enclavées. Cinq régions ne disposent d’aucun Centre de formation Agricole.
Coordonner l’intervention de l’Etat en matière de Formation Agricole et Rurale :
Ce qui manque le plus Ă Madagascar
Dualité de l’Autorité de tutelle : le ministère de l’Education Nationale, chargé de la Formation Professionnelle Technique et le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, chargé du développement agricole.
Les ressources consacrées à la formation sont très insuffisantes (environ 2% du besoin théorique).
Recruter et mettre en place un dispositif de formation de formateurs: les personnes aptes à dispenser des enseignements techniques partent progressivement à la retraite. Le nombre de formateurs disponible est très insuffisant car il n’y a pas eu d’investissement en formation de formateurs depuis plusieurs décennies.
Former des Elites Agricoles : les représentants paysans n’ont pas la place qui devait leur revenir dans le développement du système productif, en raison de leur faible niveau de formation et de négociation.
Mettre en place une politique de financement pérenne de la Formation Agricole et Rurale :
Les financements de l’Etat sont insuffisants et difficilement mobilisables en raison des règles budgétaires et de marchés publics. L’aide internationale est par nature temporaire. Elle est en outre insuffisante, aucun grand bailleur n’ayant jusqu’ici investi massivement dans la Formation Professionnelle Agricole.
Réfléchir sur une politique d’aide à l’installation des jeunes formés en accompagnement de la Formation.
- Les stratégies à mettre en œuvre
La riziculture doit être améliorer, certes, mais surtout intensifiée. Ce ne sont pas les terres qui manquent à Madagascar
Promouvoir un système de Formation Agricole qui réponde aux problèmes et besoins critiques de l’économie Agricole. Ce qui suppose que :
Les paysans sont alphabétisés et produisent pour le marché, assurent une promotion de l’auto emploi ;
La « culture » agricole, environnementale, et entrepreneuriale est développée dans l’éducation de base ;
L’émergence d’une main d’œuvre qualifiée pour le sous secteur Agri business ;
Les activités de service de formation/information et vulgarisation sont axées sur la gestion de L’exploitation Agricoles et les techniques opérationnelles ;
L’expertise pour le soutien au développement du capital humain du secteur est renforcée.
Une formation agricole et rurale (FAR) centrée sur les besoins des exploitants agricoles, des Organisations Professionnelles Agricoles, du sous-secteur agri business et des formateurs, suppose également des adaptations du dispositif du institutionnel :
Les différents acteurs professionnels et institutions d’appui sont impliqués dans la gestion des efforts de formation, en tenant compte du principe de partage des rôles et de la déconcentration/décentralisation ;
Une structure de coordination opérationnelle est mise en place et tire profit des avantages comparatifs des différentes structures de FAR.
Les autres structures de formation technique professionnelle développent des vecteurs de FAR.
Ustensiles de cuisine pour les femmes rurales d'Analavory
Outils de production correspondant aux réalités sur le terrain
Voilà où nous en sommes, en ce mois d’octobre 2011. Lorsque la IVè république sera effective, que les nouveaux « dirigeants » ne s’amusent surtout pas à se vanter qu’ils vont innover en quoi que ce soit. Tout ce qui est développé ci-dessus doit être mis en application avec un fort apport d’outils et matériels de productions compatibles aux réalités et à la culture malgaches. Mialy Rajoelina a montré la voie que l’administration a le devoir de prendre en exemple.
Motoculteur Kubota détourné de sa destination initiale. Très fréquent à Ambatondrazaka
Sans songer à une mécanisation systématique qui deviendra vite un cadeau empoisonné. A l’instar des motoculteurs d’Ambatondrazaka vite devenus des moyens de transport en commun…
Dossier préparé par Jeannot RAMAMBAZAFY
Sources et remerciements Ă Mme Rasolofonirina Francine et M. Ratohiarijaona Suzelin