Après avoir été informés du projet des « opérateurs économiques du bois de rose » du district d’Antalaha (qui se sont réunis samedi 23 juillet dernier à la Tranompokonolona d’Antalaha) consistant à mobiliser le peuple d’Antalaha, en ce samedi 30 juillet 2011 au terrain municipal, pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une « injustice » du régime de la Transition dirigée par Andry Rajoelina, nous, membres d’une association protectrice de l’environnement et de la forêt à Madagascar, avons envoyé sur place une équipe pour suivre de près ce que projette ce groupe d’opérateurs agissant dans le « bois de rose ». Cela afin de mieux cerner la situation qui prévaut.
Après avoir assisté au meeting de ce jour (samedi 30 juillet 2011) au stade municipal d’Antalaha, nous vous livrons, à chaud, le rapport suivant :
- 1. Les meneurs et orateurs lors du meeting de samedi 30 juillet 2011 :
- L’ancien député de Vohémar (Premier orateur)
- L’ancien député zafiste (en 1991), ravalomananiste (depuis 2002), devenu un prospère opérateur économique grâce à l’exploitation du bois de rose : Monsieur BEMATANA Martin
- Un opérateur économique, devenu rapidement multimilliardaire grâce également à ses activités dans l’exploitation du bois de rose, Monsieur Jean Pierre LAISOA, dit JAO VATO.
L’ancien député de Vohémar n’est pas très connu à Antalaha. Beaucoup se sont d’ailleurs demandé ce qu’il faisait là . Il fut député TIM lors du premier mandat de Ravalomanana.
BEMATANA Martin :
Cet ancien député zafiste de l’époque des "Hery velona" (Forces Vives) de 1991, s’est reconverti dans les affaires liées au bois de rose et est devenu conseiller spécial de l’ancien ministre de Ravalomanana, TSIANDOPY avant de retourner casaque en 2009. Actuellement encore, on peut constater de visu un énorme stock de bois de rose entreposé dans sa propre cours.
Le réseau de BEMATANA Martin passe par l’opérateur économique chinois bien connu à Tamatave, Wisha-Wing, au même titre que d’autres opérateurs dans le bois de rose tel que BEZOKINY Claude, propriétaire du luxueux Hôtel luxueux « Le palissandre ».
Actuellement, BEMATANA Martin jouit pleinement de la protection des autorités préfectorales d’Antalaha, en la personne de l’adjoint du district : Monsieur MAX.
Jean Pierre LAISOA dit JAO VATOÂ :
Connu comme sans réel emploi mais devenu un richissime opérateur économique dans le bois de rose depuis 2009, en traitant directement avec des acheteurs chinois. JAOVATO, un chômeur depuis de longue date, s’est distingué parmi tous les protagonistes, lorsqu’en 2009 il s’est permis d’acheter des villas appartenant à l’ancien milliardaire (depuis en faillite) connu, et ancien maire de la ville, TATIENNE. JAOVATO a également fait parler de lui dans l’affaire du détournement d’un navire transportant de la vanille appartenant à la société Henri Fraise en 2003. Il a été incarcéré, mais est vite ressorti de prison pour on-ne-sait quelle raison.
- 2. Les méthodes d’approche pour donner au meeting un faux-semblant de légitimité populaire :
5 Maires des communes rurales, d’où proviennent essentiellement le bois de roses, ont été payés 1.000.000 Fmg (soit 200.000 Ariary) chacun, cela dans le but de mobiliser la population issue de leur commune rurale dont notamment :
Le maire de la commune rurale d’Antombana
Le maire de la commune rurale d’Ampohibe
Le maire de la commune rurale d’Antsahanoro
Le maire de la commune rurale de Lanjarivo
La véritable mission assignée à ces maires, ayant donc chacun été rétribué 200.000 Ariary, consiste en réalité à instrumentaliser la population, cela dans l’unique objectif de réunir le maximum de personnes, afin d’organiser une démonstration de force et d’influencer les autorités par le surnombre ainsi constitué.
Chaque personne, issue des différentes localités mobilisées par les maires, a été payée 12.000 Fmg chacun (soit 2.400 Ariary). En termes clairs : la présence de chaque personne au meeting a été monnayée (par ces richissimes opérateurs de bois de roses), à raison de 2.400 Ariary chacun.
Les autres « opérateurs économiques » dans le réseau de bois de rose ont assuré, quant à eux, le paiement et le transport. Tel est par exemple le cas de ERIC dit MATRA (le frère de l’opérateur de vanille bien connu, un certain Germain), ou encore de BEZOKINY Claude (souvent cité dans les affaires de bois de rose, mais qui a toujours su échapper à la justice, car certains barons du régime de la HAT le protègent et que le fils du haut magistrat IMBIKY Anaclet, un proche parent, est, depuis, son conseiller. D’ailleurs, il s’en vante ouvertement).
C’est pourquoi, des véhicules 4x4 et des camions appartenant à ces opérateurs économiques ont assurés le transport (aller-retour) de cette «population» ayant accepté d’être corrompue, en touchant cette somme de 2.400 Ariary.
Alors que 5 zébus avaient aussi été promis à ceux qui viendraient remplir le stade, finalement cette promesse n’a pas été tenue, tout simplement parce que le meeting a dû être écourté car, à en croire l’explication des orateurs (dont BEMATANA Martin), ils auraient, paraît-il, obtenu une rencontre avec les ministres présents dans la région actuellement.
Ils ont annoncé qu’une réunion avec les ministres serait prévue pour Mercredi 3 août prochain, pour régler, une bonne fois pour toute, ce problème. Et aux opérateurs économiques de menacer qu’au cas où ils n’auraient pas gain de cause, alors, ils renouvelleront leur meeting pour le samedi 6 août prochain et, à l'occasion, 10 zébus seront sacrifiés, pour mieux rameuter la population, et chaque personne qui accepterait de venir renforcer le meeting, se verra octroyer la somme (non plus de 2.400 Ariary comme aujourd’hui, mais de), mais 5.000 Ariary (soit 25.000 Fmg).
- 3. Les astuces des opérateurs de bois de roses :
Le gouvernement a interdit toute exploitation, sous quelle que forme que ce soit, « coupe, vente, exploitation et exportation » du bois de rose. Or, force est de constater que malgré cette interdiction, un trafic généralisé a toujours eu cours.
La méthode des opérateurs économiques dans le bois de rose est simple (et ils semblent avoir le soutiens de hauts fonctionnaires ou de hauts responsables au sein de la Transition, ce qui fait que même le nom du président de la HAT, est constamment citée) suit le réseau suivant :
D’abord les acheteurs (importateurs) - LES BAILLEURS : Ils sont de deux ordres :
Des importateurs «directs», généralement chinois : Ceux-ci ont comme interlocuteurs des vendeurs et opérateurs locaux de bois de rose dont les plus connus sont :
BEZOKINY Claude
JAO VATO
NONO RANJANORO
Mme Edith (la femme de Claude KAM HYO – proche de Ravalomanana mais ayant retourné casaque depuis 2009)
THU-NAM Roger
Des acheteurs locaux et en même temps exportateurs (intermédiaires) qui résident à Tamatave et à Antananarivo. Le plus connu est : WISHA-WING de Tamatave ainsi qu'une dame métisse chinoise de Tamatave. Ceux-ci ont comme interlocuteurs des vendeurs et opérateurs locaux de bois de rose, dont les plus connus sont :
BEMATANA MARTIN
BEZOKINY Claude (Encore)
NDAHINY Grégoire di « Gré », actuellement membre du CT (au titre de TGV)
Ensuite, pour opérer dans le bois de rose, ces personnes-là utilisent :
Des documents légaux de «ramassage» du bois (sous-entendu bois coupés par la nature, tel que cyclones ou encore des bois que l’on peut trouver déjà coupés par d’autres, même des braconniers, ou qui ont simplement été abandonnés dans la forêt).
Ces «documents qui autorisent le ramassage de bois coupés» sont donnés à des «seconds couteaux» dont quelques-uns sont des figures biens connues dans la ville, à cause de leur comportement dans les lieux fréquentés, tels que les boites de nuit, bars et autres :
Pour le compte de BEMATANA Martin, on trouve surtout :
Le fils de REGIS (un propriétaire très connu d'épiceries de la ville)
Pour le compte de JAOVATO, on trouve :
Un certain Jacques ALEXANDRE
Un certain Coco Rasamy, connu pour être l'associé du précédent, (en prison actuellement)
Pour le compte de BEZOKINY Claude, on trouve :
Un certain Patrick Maly
Un certain Moï
Pour le compte de THU-NAM Roger
Un certain Thierry (son beau-frère)
Un certain BERA (en prison actuellement)
Conclusion :
Malgré le fait que ces opérateurs économiques du bois de rose se targuent d’agir en parfait respect de la loi, du fait qu’ils sont en possession des «documents» leur autorisant le «ramassage des bois coupés» pour se défendre, force est de constater que beaucoup de nouvelles coupes de bois de rose ont été révélées, cela aussi bien par les autorités locales que par les «task-force».
Le plus consternant dans cette affaire, c’est que ces opérateurs de bois de rose cherchent par tous les moyens à légitimer leur «trafic» à travers les meetings qu’ils tentent d’organiser en présentant des foules monstres comme preuves du soutien qui leur est accordé. Alors que la population ne constitue en rien des partisans ni des opérateurs liés de près ou de loin aux bois de roses, mais de simples gens, pauvres parmi les pauvres, les ruraux notamment, qu’ils paient 2.500 Ariary par tête, et qu’ils corrompent avec de la viande de zébus (ils projettent d'en sacrifier une dizaine, samedi prochain, au cas où ils ne gagneront pas satisfaction à l’issue de leur rencontre avec les ministres, prévue le mercredi 3 août).
Si le président de la HAT n’est pas, comme il le dit (mais ce que l’opposition conteste), lié à ce trafic, on se demande toujours (et cela depuis le rapport de référence publié l’année dernière sur le bois de rose) pourquoi les barons des bois de roses (qui ont fini par dévoiler leurs visages actuellement à travers leur meeting), dont les suiv ants, courent-ils toujours:
BEZOKINY Claude (opérant surtout dans les zones nord d’AMBINANIFAHO et de LANJARIVO)
BEMATANA Martin (opérant un peu partout, du côté d’ANTSAHANORO, CAP EST)
JAOVATO (opérant vers le CAP-EST)
THU NAM Roger (opérant un peu partout)
Dès lors, les vrais parrains (tout le monde le sait, il suffit d’aller observer leur cours pour le constater de visu) de bois de rose ne se seront-ils jamais inquiétés ?
Maintenant, ces parrains de bois de rose se sont permis de «défier» l’Etat. Quelle audace ! Voilà donc une belle occasion pour juger de la sincérité et de la bonne foi des autorités de la Transition dans cette affaire car :
Si, à l’issue de la rencontre de mercredi prochain, le gouvernement cède face aux «opérateurs de bois de rose», alors, sans hésitation, on pourra admettre que les autorités de la Transition sont de mèches avec eux.
Dans le cas contraire où le gouvernement restera ferme et décidera de continuer à lutter contre le trafic de bois de rose, il sera de nouveau jugé sur sa capacité à attraper les «gros poissons» (qui ont laissé tombé leur masque actuellement). Ce gouvernement ne devra plus se contenter de poursuivre les «seconds couteaux» dont certains croupissent déjà en prison depuis quelques temps.
Actuellement, les autorités de la Transition ne peuvent plus feindre d’ignorer les noms des «vrais» parrains de bois de rose. Quatre noms notoires sont livrés dans ce rapport, et ces gens-là usent et abusent de leur argent pour corrompre la conscience d’une population pauvre pour leur servir de bouclier dans cette guerre qu’ils mènent (au service de leurs propres intérêts) contre le régime de transition et contre la Nation malgache.
La dernière question qui mérite d’être posée est : «Le président de la HAT osera-t-il, oui ou non, mettre définitivement fin à ce trafic et, aussi, cette fois-ci, pourra-t-il empêcher que la population ne serve de chair à canon aux mains de ces mafieux, pour qu'ils s’achètent une légitimité dans leur trafic…?».
Réponses lors du prochain rapport à l’issue de la rencontre avec les ministres, le mercredi 3 août 2011, ou encore à l’issue du meeting prévu pour le samedi 6 août 2011.
Recueillis par RALAMBO.C et AINA.R
NOTA: LES NOMS CITES ci-dessus le sont déjà dans le document de référence sur le bois de rose écrit par Herizo Randriamalala et Zhou Liu de Madagascar Conservation & Development. Intitulé : « Bois de rose de Madagascar : Entre démocratie et protection de la nature ».
Nous avons déjà publié ici, sur madagate.com, ce document de référence. Allez dans nos archives.
Jeannot Ramambazafy