C’est vraiment fort de café car gouverner c’est prévoir. Après huit mois d’attentisme ponctués de beaux discours et de voyages qui se poursuivent, le régime rajaonarimampianina ne s’est, à aucun moment, penché sur les vrais problèmes auxquels le pays et le peuple malgache font face depuis assez longtemps. Passant le clair de leur temps à se renvoyer la balle et à se réunir en conseil pour procéder à des nominations, personne -le Premier ministre, ministre de la Santé Kolo Roger en premier (il est actuellement en Chine)- n’a même pas effleuré le problème de l’invasion acridienne, qui date pourtant de 2013.
Il a fallu la soudaine arrivée de nuées de millions de criquets pèlerin sur la ville d’Antananarivo pour que le ministre de l’agriculture actuel effleure le sujet en débitant des âneries.
Extrait du conseil des ministres du 28 août 2014 :
MINISTERE DE L'AGRICULTURE
Concernant le passage d'essaims de sauterelles à Antananarivo, le Ministère de l'Agriculture a déjà anticipé cette situation depuis des semaines, à travers des traitements par hélicoptère. Le traitement aux alentours d'Antananarivo est déjà programmé à partir de demain vendredi 29 août 2014.
Si la situation avait été effectivement anticipée, ces sauterelles ne se seraient jamais abattues en plein centre-ville de la Capitale de Madagascar. En réalité, ce fléau est d’une telle ampleur que la FAO lui a consacré un site web spécial qu’aucun des actuels dirigeants n’a songé à visiter, plus prompts à se prendre pour des dieux intouchables et éternels, à emprisonner des journalistes et à accuser d'autres personnes de fomenter un coup d’état, après seulement huit mois de " règne ", mettant tout sens dessus-dessous ("upside down"). Mais où sont les sous à fusion promis des bailleurs de fonds et des investisseurs socio-économiques ? Où sont les "amis" de Madagascar de UBI FRANCE ? Conclusion: la confiance en ce régime amateur ne règne guère. Régime qui, lui, règne, mais qui n'a aucune capacité de négociation pour convaincre les bailleurs de débloquer rapidement des fonds dans ce genre de situation extrême pour la population malgache, celle qui cultive. Ce n'est pas un "zava-dehibe" que cela ? C'est un terme que le président Hery Rajaonarimampianina utilise à tout bout de champ dans chacune de ses déclarations. Cela ne rate pas: "zava-dehibe loatra". Mais çà ne résout aucun problème immédiat.
Palais d'Ambohitsorohitra : photo vue sur Facebook
Au point où nous en sommes, bientôt ils vont chercher un bouc émissaire qui a "envoyé" ces criquets pèlerins pour l'accuser d'atteinte à la sûreté de l'état, tellement ils sont devenus paranoïaques, à force de cacher leur incompétence flagrante. Mais passons aux choses sérieuses, avant que je n'aille en prison.
En lisant bien ce qui est écrit, ci-dessus, en matière de manière de travailler, il est limpide que ce régime rajaonarimampianina n’a rien fait depuis qu’il est au pouvoir. Aucune résilience, qui est la capacité de s'adapter à un environnement changeant ; aucune gouvernance des risques et des crises. Car gouverner c’est prévoir donc ; aucune surveillance pour mieux protéger car les criquets sont parvenus à Antananarivo ; comme ils n’ont rien protégé (ils ont plutôt cassé la continuité de l’Etat), ils n’ont rien pu construire ; et comme ils n’ont rien préparé, ils ne peuvent pas répondre sinon par des déclarations insipides.
Pire, la revue de presse du matin, sur la TVM (chaîne nationale), a été supprimée depuis deux mois. La pensée unique à la "c'est moi que je suis" et "mas-tu vu" règne en maître absolu...ment fat. C'est leur priorité.
Or, c’est en avril 2012 que la menace a été détectée par la FAO. Le régime de transition n’a pu que limiter les dégâts en attendant le retour de l’ordre constitutionnel à travers un président élu au suffrage universel. Cela a été fait en décembre 2013. Mais depuis la prise de fonction du nouveau président, le 25 janvier 2014, les Malgaches -agriculteurs en majorité- n’ont entendu que des effets d’annonce après des promesses sans lendemain. Or, la FAO a proposé un programme triennal (2013-2016) mais les nouveaux dirigeants ne l’ont même pas rendu public. Il est en anglais sur le site mais j’ai passé une nuit blanche pour le traduire en français. Charge aux patriotes (journalistes ou non) de le traduire en malgache pour dénoncer l’incapacité de ce régime rajaonarimampianina a -ne serait-ce qu’aborder les vrais problèmes socio-économiques qui minent Madagascar. La réconciliation n'a rien de nationale, c'est celle des politocards entre eux, mais là on en fait une affaire d'état... d'urgence.
Lala Arisoa Razafitrimo, ministre des étranges affaires... Grenier de l'océan Indien avec quoi ? Du riz pakistanais importé ? Cette ministre va vraiment nous faire pleurer ma parole ! Il faut d'abord sécuriser les zones rurales productrices -contre les sauterelles et les dahalo- avant de prononcer toute parole insensée qu'on regrettera après. Les réalités malgaches vraies ICI
Après la lecture du texte traduit, plus loin, vous conviendrait avec moi que le retour à l’ordre constitutionnel n’a pas tout résolu, à cause de l’amateurisme flagrant du nouveau président et de son équipe en matière de bonne gouvernance. On se croirait encore en période transitoire à Madagascar. Plaise à eux de courir à leur propre perte mais ce sera toujours la population malgache qui paiera les pots cassés. Dire qu’ils ont eu le culot de parler de « Madagascar, grenier à riz de l’océan Indien », au IVème sommet des Chefs d’Etat de la COI. C’est… risible à pleurer.
Bientôt aussi des « Assises sur le fléau acridien à Madagascar » alors ? Tout est ici, pas la peine de dépenser l’argent public pour se vautrer et se goinfrer au Carlton… Et je peux vous garantir que le fameux PGE (Programme général de l’Etat) ne fait nulle part allusion à ce fléau acridien. Tout n’est qu’état des lieux en diabolisant les régimes précédents. Merci "rupture dans la continuité". Preuve avec l’extrait suivant du PGE, concernant le monde rural et l’agriculture :
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Assemblée nationale à Tsimbazaza, le 9 mai 2014. Le Premier ministre Kolo Roger a présenté son PGE (programme général de l'Etat) en français intégral
Non, vraiment, comme je l’ai écrit en titre de ce dossier : les Malgaches ne méritent pas les actuels dirigeants HVM (« Herim-po very maina », efforts vains). Passons au document qui m'a fait passer une nuit blanche mais çà a valu le coup pour faire réfléchir électeurs et lecteurs.
Le texte original en anglais date de mars 2013
TRADUCTION EN FRANCAIS DU TEXTE INTEGRAL
Madagascar fait actuellement face à un fléau acridien qui pourrait affecter les moyens de subsistance, la nourriture et la sécurité nutritionnel de 13 millions de personnes.
Cette invasion acridienne, qui a débuté en avril 2012, aura un impact dramatique sur la production agricole et la disponibilité de ressources de pâturage pour le bétail.
Le riz et d'autres céréales sont menacés de dégâts considérables dus à ce fléau acridien, qui peut avoir un impact plus large sur l’approvisionnement interne et sur les prix céréaliers.
Madagascar est enclin à subir des catastrophes naturelles qui ont un impact ravageur sur les moyens de subsistance des populations rurales les plus vulnérables.
Depuis 2009, l'effet combiné de sécheresses et des cyclones, aussi bien que l'instabilité politique, a aggravé les conditions de vie de milliers de ménages, principalement dans la partie Sud-Ouest du pays où plus de 80% de la population vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
Des informations disponibles, datant de février 2013, confirment le sérieux de la crise de sauterelle dans les zones du Sud-Ouest et occidentales de Madagascar.
Dans le sud-ouest, qui constitue le centre du fléau acridien, le cyclone Haruna (qui a frappé Madagascar le 22 et 23 février 2013) a empiré la situation, causant non seulement des dégâts considérables, mais a aussi amené à la prolifération des insectes qui sont devenus plus résistants, donc vivant sur une période plus longue que d'habitude.
Une combinaison de données historiques, l'expérience gagnée pendant les décennies passées et les informations récentes d'évaluations de terrain, ont montré que, en l’absence d'une campagne anti-acridienne en 2012/13, au moins 1.5 millions d'hectares pourraient être infestés par des sauterelles, soit les deux tiers du pays avant septembre 2013.
Les criquets pèlerins peuvent multiplier rapidement et former des essaims extrêmement mobiles. Selon sa taille et densité, un essaim de sauterelle peut consommer en hausse de 100000 tonnes, par jour, de végétation verte, y compris les récoltes.
Étant donné que les régions touchées par sauterelle représentent 50% des terres rizicoles, et plus de 60% de la production de riz totale, les dégâts potentiels que des grands essaims mobiles peuvent infliger sur les cultures et les pâturages sont énormes.
Le 27 novembre 2012, au vue de la situation se détériorant, le Ministère de l'Agriculture de Madagascar a annoncé un état d'alerte d’invasion acridienne, et déclaré l’état d’urgence pour le pays tout entier.
En décembre 2012, le Ministère de l'Agriculture a demandé l'aide financière et technique de la FAO pour assurer une mobilisation de fonds, la coordination et la mise en œuvre d'un plan de secours.
Étant donné l'ampleur géographique du fléau, des évaluations de la FAO ont préconisé une campagne à grande échelle, durable, continue et soutenue de trois années, allant de 2013 à 2016. Le coût total de cette campagne triennal est de 41.5 millions d'USD. 22.4 millions d'USD sont nécessaires avant juin 2013 pour lancer cette campagne à grande échelle.
L'expérience à Madagascar a démontré que la mise en œuvre réussie d'une campagne anti-acridienne (de septembre pour la 1ère année à mai/juin de l'année suivante) exige que tous les fonds soient disponibles pour cette campagne en juin de la première année.
Il est particulièrement pertinent et approprié de noter que la campagne 2010/11, mise en œuvre en réponse à une invasion en 2010, a reçu seulement 50% des 14.5 millions USD nécessaires. Cela a entrainé la mise en œuvre d'une deuxième campagne en 2011/2012. Elle était évaluée à 7 millions d'USD mais seulement 26% (consolidés) de cette somme ont été reçus.
La conséquence en est que des populations de sauterelle non contrôlées se sont développées et se sont éparpillées sur tout le territoire, tandis que les ressources financières nécessaires pour faire face au fléau, ont augmenté.
Une action immédiate est exigée pour éviter une répétition de la dernière invasion acridienne à Madagascar, qui a duré trois ans (de 1997 à 2000) et a coûté au Gouvernement et la communauté humanitaire internationale, 60 millions d'USD pour traiter plus de 4 millions d'hectares.
Dossier et Traduction : Jeannot Ramambazafy – nuit du 28 au 29 août 2014