Hery Rajaonarimampianina, président de la république par substitution, n'est plus le même homme que j'ai côtoyé à l'extérieur: un ministre des Finances effacé mais bosseur (voyez sa sacoche), apparemment intègre. Qu'est-ce qui s'est cassé en lui et qui a cassé cette image ? That's the big question...
La chute sans gloire de Blaise Compaoré
Au Pays-des-Hommes-Intègres, le Burkina Faso, Blaise Compaoré, l’assassin de son ami et prédécesseur, Thomas Sankara, a payé sa forfaiture. Cela a mis 27 ans, mais il est sorti par la lucarne de l’histoire de son pays et de l’Histoire politique africaine. En effet, après avoir tenté de faire changer un article de la Constitution burkinabe pour devenir président à vie, il s’est enfui face à la colère d’un peuple qui n’attendait que l’occasion pour montrer à la face du monde que le Pays-des-Hommes-Intègres ne l’était pas du tout.
Comme je l’ai toujours dit, et j’en reste convaincu, rien n’arrête un peuple que l’on brime : ni l’argent, ni les armes. Et tout est à refaire pour les Burkinabe dont l’essentiel était de se débarrasser de ce « cher Blaise », selon François Hollande qui semblait avoir subodoré la catastrophe...
Le couple Rajaonarimampianina, en campagne du Premier tour, entouré de ceux auquel Hery Vaovao s'est substitué. L'un sera Premier ministre, l'autre simple ministre de l'Industrie sur le tard
Hery Rajaonarimampianina, au second tour, entouré des candidats députés du MAPAR et du Président de la transition. Elu grâce à eux, il les reniera purement et simplement ainsi que "l'homme sans qui il ne serait rien" ("Ary izaho mi-reconnaître fa tsy nisy aho raha tsy io rangaha io"). Sans oublier Augustin Andriamananoro (extrême-droite), limogé sans ménagement avant la constitution du gouvernement Kolo Roger. Rajaonarimampianina ? Homme sans respect de la parole donnée ni d'honneur. "Pas de chasse aux sorcières", avait-il déclaré urbi et orbi le 25 janvier 2014 à Mahamasina
A Madagascar, la question qui doit se poser, après dix mois de démonstration de la somme de toutes les « africonneries », est : comment va finir Hery Rajaonarimampianina ? Non pas comment va-t-il finir son mandat, mais comment va-t-il finir tout court ? Qu’est-ce que j’entends par « africonneries » ? Avant élections : promesses mirifiques que le pays sera un paradis ; pendant les élections : démagogie selon les régions visitées qui seront toutes des modèles de développement ; après les élections : amnésie totale de tout ce qui a été dit, esprit de revanche et mise en place d’un système de gouvernance « personnalisée », en faisant fi des lois en vigueur, violées sinon interprétées pour démontrer inutilement -mais dangereusement- l’évidence du verdict des urnes : «Filoha voafidim-bahoaka » (Président élu par le peuple malgache).
Les éminences grises et néfastes du couple Rajaonarimampianina, de gauche à droite: Me Nicole Andrianarivonison, Rachidy Mohamed, Herisoa Razanadrakoto, Henry Rabary-Njaka, Rivo Rakotovao. Absent sur la photo, Jaobarison Randrianarivony
Qui se ressemble s’assemble dit-on. Personnage effacé, sans personnalité, très influençable, Hery Rajaonarimampianina s’est entouré d’une cour de personnes du même acabit que lui -n’ayant de pouvoirs que le seul fait d’avoir été ses proches, sans aucune culture politique-, dont l’important était d’être arrivés. Puis, par la suite, de s’accrocher, coûte que coûte, à des postes immérités mais dotés d'avantages faramineux, en regard de la pauvreté ambiante. D’habitude, le verrouillage du système ne se fait qu’après un premier mandat en stuc et en toc donnant l’impression qu’il y a effectivement du changement. Mais avec Hery Rajaonarimampianina, tout a été dit, tout a été fait en moins d’une année. La nomination puis « l’élection » de Jean Eric Rakotoarisoa à la tête de la Haute cour constitutionnelle (HCC), est l’illustration même de l’ « africonnerie ».
Jean Eric Rakotoarisoa du temps où il était très actif et critique envers les dirigeants malgaches, au sein du SeFafi. Puis regard inversé et idée totalement divergente une fois nommé membre par le président de la république, puis "élu" président de la HCC. Lui le grand mystificateur, il veut, à présent démystifier cette institution...
Ce petit monsieur -effacé aussi, qui pense avoir eu sa chance de bien finir sa vie- se croit même permis de débiter des conneries tout court. Extraits de ses déclarations lumineuses quant à son état d’esprit, après son élection.
Malgré une calvitie avancée, Jean Eric Rakotoarisoa semble avoir trouvé une seconde jeunesse. Mais a-t-il vraiment la conscience tranquille, en se justifiant tant qu'il le peut, se croyant inaccessible, immortel dans son fauteuil de président de la HCC?
« Certes, certains avancent que je suis proche du Président. Nous nous connaissons depuis longtemps. Mais il fait nous habituer au fait que les relations personnelles sont différentes des relations institutionnelles ».
Ben voyons, monsieur l’ancien membre du SeFaFi, journaliste grâce à feu tonton Honoré Razafintsalama, et toujours très critique en regard des dirigeants malgaches, jusqu’à sa « promotion ». Quel meilleur et idéal allié, en effet, qu’un homme qui renie ses propres convictions, connaissance de longue date, de surcroit, d’un président par substitution !
« Le rétablissement de l’Etat de droit et de la supériorité de la Constitution n’est pas une mince affaire et se fait petit à petit, car cette culture n’est pas encore présente dans notre société (…). On revient de loin, la tâche sera difficile mais il faut le faire ».
Monsieur le professeur de droit constitutionnel : on ne rétablit pas l’Etat de droit, on le respecte ! Il ne s’agit pas d’un système à mettre en place mais d’un principe universel qui dicte que tous, sans exception, sont égaux devant les lois en vigueur ! Je remets, ici, la définition de l’Onu de l’Etat de droit :
« L’ONU définit l’état de droit comme un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme ».
Et, effectivement, après avoir torché l’article 54 concernant la nomination du Premier ministre, Jean Eric Rakotoarisoa revient de loin et a amplement mérité son poste de président de la HCC. J’ai honte pour tous ces étudiants qui risquent de suivre la voie de leur maître. Car, à présent, qu’ose-t-il dire ?
« L’indépendance de la HCC s’acquiert de la manière de faire. Les prises de décision y sont collectives. Et tout ce que nous faisons est dicté par la Constitution, même si l’opinion pense souvent le contraire ».
Oui, mais l’opinion entend que l’article 54 soit appliqué stricto sensu, sans aucune interprétation possible, c’est çà l’Etat de droit :
Article 54.
Le Président de la République nomme le Premier ministre, présenté par le parti ou le groupe de partis majoritaire à l'Assemblée nationale.
Il met fin aux fonctions du Premier ministre, soit sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement, soit en cas de faute grave ou de défaillance manifeste.
Sur proposition du Premier ministre, il nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.
Chapeau ! Il fallait le faire, Monsieur le président Jean Eric Rakotoarisoa
Cela concerne une majorité à l’issue des élections législatives jumelées avec l’élection du président de la république du 20 décembre 2013. Mais non, l’ «africonnerie» a fait son œuvre : La HCC qui a respecté l’esprit de la constitution a été démembrée, et Jean Eric Rakotoarisoa est venu pour sauver, non pas le pays, mais le président élu « qu’il connaît depuis longtemps ». A partir de là , s’en est suivie toute une série de violations qui, accumulées en dix mois, pèsent le même poids que les « africonneries » de Ratsiraka, Zafy et Ravalomanana réunies (Tsiranana étant mort, il est pardonné éternellement). Chapeau, il fallait le faire !
Mais la vie continue et le régime rajaonarimampien continue aussi ses propres « africonneries » dans une république où l’argent et les cadeaux matériels sont la base de gouvernance, afin de prouver que les dirigeants actuels sont des hommes forts. Ils ont oublié ce que le président Barack Obama a déclaré en 2009, à Accra : « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes ». Ce qui implique le strict respect de la loi fondamentale par les dirigeants eux-mêmes.
Stephen C. Anderson, Chargé d'Affaires américain
Néanmoins, les U.S.A. eux-mêmes ne sont pas innocents dans cette république des mallettes et des hommes maudits. Certes, Barack Obama a préféré un Chargé d’affaires plutôt que l’ambassadeur déjà désigné pour la Grande île de l’océan Indien. Nuance. Cependant, en remettant la feuille de route sur la table, le gouvernement américain renie la Constitution de la IVème république de Madagascar pour les beaux yeux de leur poulain Marc Ravalomanana. Et l’ensemble de la Communauté internationale prône pour une « réconciliation nationale » comme si Madagascar sortait d’une guerre civile atroce, avec centaines de morts et des milliers de réfugiés. Même le 10 août 1991 et au début de l'année 2002, ce ne fut jamais le cas, malgré la "pacification" ordonnée par Marc Ravalomanana et diligentée par les réservistes ("zana-dambo"). Pour une chasse aux sangliers ("Haza-lambo")...
Peu à peu, le pouvoir réel échappe à Hery Rajaonarimampianina qui vient de pleurnicher dans les bras des forces armées : « Votre président (Ndlr : il ne dit plus « Je ») a reçu des menaces de mort à cause de sa volonté de lutter contre corruption, et à protéger les richesses nationales et biens du pays ». Ah bon ? Et il ne s’est pas empêché de dire la phrase de trop : « Mais je me réjouis du fait que j’ai toujours pu compter sur les forces de l’ordre pour m’épauler ». A coups de mallettes et de népotisme sans aucun doute. Ce qui divisera encore plus ces forces de l’ordre si l’on se réfère à l’épisode FIGN en mai 2010, avec l’appui de quelques pasteurs politisés à outrance de l’église de Jésus Christ à Madagascar (Fjkm)…
En bref, le pouvoir du président élu, à dix mois de son investiture? ne tient plus qu’au fil des baïonnettes, étant Chef suprême des armées. A force voir des coups d’état partout, à force d’arrêter dans des gens sans aucun respect des droits élémentaires de l’homme, il risque fort de hisser le drapeau blanc au moindre coup de semonce réel. Or, ses véritables ennemis sont les personnes qui l’entourent -qui connaissent des tas de secrets du temps qu’il était ministre des finances- et celles qui gravitent autour de Vohangy X, la Première Dame (et seconde épouse) venue de nulle part mais qui est aussi la première épouse de président au monde à avoir un directeur de cabinet à elle toute seule. Sujet d’un dossier entier à part…
Et c’est avec tous ces ingrédients d’ « africonneries » que Madagascar mérite amplement son nouveau surnom que je viens de créer : le Pays-des-Hommes-Maudits. Et que je verse, dans les archives du tribunal de l’Histoire, comme pièce à conviction. Car si les paroles s’envolent, les écrits restent. Certes, ce n'est (encore) qu'une goutte d'eau dans un océan de désinformation. Mais ajouté à d'autres gouttes, cela deviendra un déluge irrésistible.
Jeannot Ramambazafy – 04 novembre 2014